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BRÈVES

Plainte contre Air France: chantage déguisé de Ryanair ?

La compagnie aérienne lowcost appelle la Commission Européenne à rejeter les nouveaux projets d’aides d’Etat français pour le sauvetage d’Air France et un projet de recapitalisation qu’elle juge discriminatoires. Un projet de recapitalisation d’Air France/KLM est en cours, mais l’acquisition de slots demandée à l’administration française par Ryanair serait en filigrane.

Il est indéniable que le transport aérien a été touché de plein fouet par la COVID-19. Les compagnies aériennes porte-drapeaux dans plusieurs pays européens ont bénéficié d’un traitement de faveur de leur gouvernement. Swiss, par exemple, a été beaucoup mieux lotie qu’easyJet, qui n’a pas fait, pour autant, un procès à la Confédération. Wizz Air, Volotea, Vueling et les autres lowcost n’ont pas non plus réagi de la sorte.

On pencherait plus volontiers pour défendre le point de vue de Ryanair, si celle-ci ne traînait depuis de nombreuses années des casseroles qu’elle a toujours semblé ignorer, tout en faisant les unes de la presse avec une arrogance non dissimulée. Ryanair est la plus grande compagnie aérienne en Europe en matière de nombre de lignes et de nombre de passagers transportés. La compagnie irlandaise est l’une des très rares compagnies aériennes à avoir généré un petit résultat d’exploitation positif, de 10,8 millions d’euros, de juillet à fin septembre 2020. Sur le premier semestre de son exercice 2020-2021, d’avril à fin septembre, le groupe a limité sa perte à 197 millions d’euros, malgré l’arrêt quasi complet de ses vols d’avril à début juillet. C’est peut-être ce qui lui a permis de clamer qu’avec ses réserves financières, l’année 2021 lui serait plus profitable que jamais. Mais aujourd’hui, Ryanair doit se rendre à l’évidence. La crise de la COVID-19 se prolonge, et ses réserves ne seront peut-être pas éternelles.

Aujourd’hui, Ryanair dépose donc plainte auprès de l’Union européenne pour ce qu’elle estime être un régime de faveur accordé par le gouvernement français à la compagnie nationale Air France. Dans un communiqué, Ryanair mentionne que « cette compagnie aérienne, chroniquement inefficace, a déjà reçu une monumentale aide de 7 milliards d’euros au total en 2020 et ne devrait ainsi plus recevoir de soutien supplémentaire du gouvernement». En fait, la démarche de Ryanair serait une monnaie d’échange voilée pour obtenir ce qu’on appelle en jargon aérien, des « slots » (créneaux horaires pour les décollages et atterrissages) aux aéroports de Paris-Charles-De-Gaulle, Paris-Orly et Lyon. Les créneaux sont très convoités car ils jouent un rôle important dans le choix d’un vol plutôt qu’un autre des passagers en fonction de son heure de départ ou d’arrivée. Le créneau peut être également déterminant pour gérer des rotations de vols. On a vu des compagnies aériennes faire du marchandage de slots en les revendant avec bénéfice à des confrères.

Ryanair a-t-elle raison ou tort ? On pourrait lui donner raison, si elle n’avait pas, depuis de nombreuses années, acquis une réputation sulfureuse avec, notamment des pressions auprès des aéroports locaux et chambres de commerce des villes qu’elle dessert. On se souvient d’un appareil de Ryanair qui avait été réquisitionné par huissier 0à Lyon pour d’importants retards de paiement de la compagnie en droits d’atterrissage et de décollage. On pourrait aussi citer sa réticence à rembourser des billets non utilisés lors d’annulations de vols, et la contrainte des gouvernements à utiliser la manière forte pour que Ryanair, finalement, s’exécute. En septembre 2020, par exemple, plus d’un million de passagers attendaient encore le remboursement de leurs billets achetés avant la période de confinement pour des vols annulés pour raison de pandémie.

Exploitation du personnel : La manière honteuse de traiter son personnel a fait couler beaucoup d’encre dans la presse qui a peine à louer Ryanair, et il n’est pas rare de trouver sur les sites web des quotidiens réputés des commentaires de l’un ou l’autre employé comme, par exemple, celui-ci qui résume le désarroi de celles ou ceux qui s’y sont engagés :

« Je travaille chez Ryanair à la base de Rome-Ciampino. Pas de pension, pas droit au syndicat et on ne gagne pas tant que ça pour les heures qu’on se tape (12h par jour quand tout va bien, 6 jours par semaine), pas d’eau, pas de repas, pas de pause, on débarque, on embarque et cela 4 fois par jour. Fuyez Ryanair si vous cherchez du travail. Il n’y a rien à y gagner surtout pas le respect, vu qu’on se fait traiter comme des chiens ni plus ni moins! »

La défense du climat: Il n’est pas contestable que le développement du transport aérien représente un réel facteur négatif pour le dérèglement climatique. L’ère de l’aviation lowcost a grandement contribué à ce phénomène. Lors de son aide de son prêt de quatre milliards d’euros, la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a précisé que cette aide, qui n’était pas un chèque en blanc, était soumise à un arrêt de tout vol interne sur le territoire français, dès qu’une alternative ferroviaire de moins de 2 h 30 était possible, ceci afin qu’Air France réduise son empreinte carbone. Le gouvernement français pourrait alors, en toute logique, poser cette condition à Ryanair (et à d’autres compagnies d’ailleurs, mais celles-ci de demandent rien). La compagnie irlandaise serait-elle d’accord de s’y plier ? J’en doute fortement.

 

Gérard Blanc

Sources : Air Journal/BFMTV/Tourmag/Les Echos

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