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Slovénie : les Kurenti du Carnaval de Ptuj – Kurentovanje

Dans la petite ville slovène de Ptuj, le carnaval portant le nom de Kurentovanje, bat son plein chaque année du début février au mardi gras, atteignant jusqu’à 50’000 spectateurs pour une petite ville ne dépassant pas les 20’000 âmes. A l’instar du carnaval de Binche en Belgique, l’événement est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La manifestation puise ses sources dans les anciennes traditions champêtres du nord-est de la Slovénie. Elle s’est adjointe, au cours des années, des traditions venues de la Croatie voisine, voire même de la Serbie, de la Hongrie, de la Macédoine ou de l’Autriche. Le principal événement du Kurentovanje est le défilé des masques traditionnels et des groupes de carnaval. Les costumes ont parfois pris plusieurs mois à être élaborés. Arpentant les rues de Ptuj, aux rythmes d’un orchestre local, ce sont les lanceurs de javelot qui ouvrent le cortège suivis des laboureurs, du rusa, de l’ours, des fées, des coquelets, les tireurs de bûches, Jurek de Haloze, les poules, et, cerise sur le gâteau, des fameux Kurenti.

Les affreux Kurenti
GE8R4762 Le costume le plus caractéristique est celui des Kurenti qui commencent leurs rondes traditionnelles tout de suite après la Chandeleur. Pendant les dix jours que dure le carnaval, on les voit circuler un peu partout  dans la foule lors d’événements sportifs ou culturels, le soir dans les ruelles de Ptuj, en tous lieux et à toute heure. On peut, sans trop se tromper, faire un parallèle entre le costume appelé kurentija et celui des Tschäggättä du Lötschental dans le Valais suisse. Mais si les affreux masques valaisans servent à faire peur aux jeunes filles, ceux des Kurenti de Ptuj ont pour but premier de faire peur aux mauvais esprits et de les chasser pour accéder à un printemps radieux. L’origine des Kurenti viendrait des traditions illyriennes, serviteurs mythiques de la déesse Cybèle. Ils seraient un mélange entre les ancêtres du peuple slovène et les Uskoks (soldats croates des Habsbourg) du 16ème siècle. Les masques des Kurenti de Ptuj ont des oreilles faites de plumes de dinde ou d’oie et des cornes en paille ou en bois enveloppées de cuir et ornées de fleurs et de rubans en papier. Dans le masque de cuir couvrant le visage, des trous ont été aménagés pour les yeux et la bouche d’où pend une longue langue en tissu ou en cuir. Le costume du Kurent se compose aussi d’une veste en peau de mouton et d’une ceinture à laquelle sont accrochées cinq cloches de vaches. Aux pieds, le Kurent porte des chaussures montantes et des chaussettes tricotées rouges ou vertes. Il tient à la main un gourdin dont l’extrémité est couverte d’une peau de hérisson (bouhh!). On le décrit comme sortant de l’enfer, car ayant un lien d’amitié avec Lucifer en personne. Celui qui porte  le costume de Kurent doit être en bonne forme physique quand on sait que, une fois  le cortège achevé et après être passé de maison en maison pour chasser les mauvais esprits,  il doit effectuer une danse initiatique  de l’autre côté de la rivière Drava, au cours de laquelle il saute, tourne et virevolte, manœuvre épuisante qui peut faire perdre au danseur plusieurs kilos …

Les lanceurs de javelot
liki_kopjas2Après les Kurenti, ce sont les premiers personnages en importance car ils ouvrent la marche lors des cortèges. Ils ne portent pas de masque et endossent un costume qu’on pourrait comparer à celui d’un paysan endimanché. Vêtus de noir, portant un chapeau décoré et des bottes noires, les lanceurs dansent en envoyant bien haut en l’air leurs javelots ornés de rubans multicolores. Lors des fêtes de mariage, leur rôle est de distraire les invités. En fait, le lanceur de javelot de Markovci (dans la plaine de Ptuj) n’est pas vraiment un personnage authentique du carnaval, mais il s’est imposé peu à peu dans le Kurentovanje jusqu’à en  devenir un élément indispensable.

Les laboureurs
F012842-kurentovanje_6_langerholc_2015-photo-mDans le contexte traditionnel du Kurentovanje, l’acte  symbolique est de symboliser la prospérité agricole autour du village par le labourage solennel du premier sillon et annoncer ainsi le début des travaux des champs. C’est une coutume en étroite relation avec la magie de la fertilité. Dans les cortèges, le groupe des laboureurs comprend en général trois paires de chevaux attelés à une charrue en bois décorée, suivie d’un claque-fouet qui, pour chasser les mauvais esprits, fait tournoyer et claquer son fouet en l’air.

Les tireurs de bûche
Le tirage de la bûche peut être apparenté à un autre rituel de la fertilité. Quand aucune jeune fille du village ne se mariait dans la période avant le carnaval, les jeunes hommes devaient tirer un tronçon de pin. Pendant le cortège, trois paires de jeunes files tirent une bûche placée sur deux timons de charrue, décorée avec des branches de sapin et des rubans multicolores. Sur la bûche, une poupée de paille représente le marié.

La mangeoire
Il s’agit d’un autre rituel encore très vivant dans la région qui met en scène  des jeunes hommes déguisés en femmes. Dans une rigolade affichée, ils tirent une mangeoire où est assise une mariée en paille.

Le rusa
liki_ruse-sargeIl s’agit d’un animal de carnaval souhaitant la fertilité et la santé aux chevaux et aux autres animaux domestiques. C’est un animal imaginaire fait en toile de jute avec une tête en bois recouverte de peau de mouton. De sa mâchoire inférieure mobile sort une langue pendante. Il porte sur son dos une poupée de chiffons. Il est porté par deux jeunes hommes tenant un cadre en bois sur leurs épaules. Cachés sous la toile, ils animent le personnage. Le rusa est  accompagné d’un bouvier tenant un fouet et d’un collecteur de dons. Hors cortège, le groupe se déplace de maison en maison, le rusa faisant des bêtises, montrant sa méchanceté et essayant de mordre. Une fois le rite respecté, le collecteur rassemble les dons et le groupe poursuit son chemin.

L’ours
C’est l’animal fétiche de la Slovénie. Pendant le carnaval, il s’agit d’un homme déguisé dont la tête, le pelage et les pattes sont faits de peaux de mouton. Il est accompagné d’un montreur gitan, un rappel du temps jadis où on comptait et exhibait les ours. Dans les cortèges, les ours se déplacent en groupes accompagnés de nombreux montreurs et sortent volontiers des rangs pour faire peur aux jeunes femmes.

Le coquelet
C’est un caractère ethnographique de lointaine origine censé apporter la  prospérité et surtout beaucoup d’œufs dans le poulailler. ll est personnifié par un jeune garçon portant un masque, un pantalon blanc et un chemisier de femme ressemblant à un vieux jupon. Son visage est coloré et sa tête couverte d’un bonnet de papier conique décoré de rubans de couleurs.

La poule
La poule a un gros corps  cylindrique, pointu aux deux bouts. Le corps est recouvert de papier ou de tissu où sont collées des plumes. Il porte une tête de poule en bois ou en carton-pâte, et une queue en plumes. Un garçon s’introduit dans le corps de la poule et l’anime de l’intérieur. N’oublions pas que la poule est la forme même de la carte de Slovénie. Y aurait-il un rapport ?

La veille portant le vieux (ou l’inverse)
Ce sont des masques communs à beaucoup de pays de l’Est européen. Ils sont très populaires à Ptuj et représentent les esprits des morts.

Jurek de Haloze
On l’appelle aussi Georges vert. C’est un personnage mythique de la région qui y vécut à la fin du 19ème siècle. Il représente la victoire de la déesse du printemps sur l’hiver. Son costume est intégralement fait de verdure et de rubans.

Texte Erika Bodmer
Photos © Ptuj Tourism

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