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Soleure, la plus baroque et la plus française ville de Suisse

2000 ans d’existence sous le signe du chiffre onze.

Au nord-ouest de la Suisse, la ville de Soleure, riche en références historiques, s’enorgueillit d’être la plus française sur le territoire helvétique, et ceci même si aujourd’hui l’idiome courant est le 11ème dialecte alémanique. L’approche française s’explique par le choix des rois de France d’y établir leur ambassade suisse. Dans un espace restreint, la ville baroque de Soleure représente un riche concentré de patrimoine et de manifestations culturelles peu égalés en Suisse. Ses maisons anciennes aux enseignes pittoresques, ses fontaines et ses tours pourraient presque en faire une ville-musée, si les rives de l’Aar ne lui donnaient un air de Riviera dès les premiers beaux jours.

Le chiffre onze
SoleureDans toute l’histoire de Soleure, le chiffre onze revient sur le devant comme une ritournelle de conte pour enfants : onze églises et chapelles, onze fontaines, onze portes, onze tours en rapport avec la cathédrale de Saint-Ours, symbole de Soleure. C’est une répétition scandée du chiffre avec onze cloches accrochées,  onze ans pour construire la cathédrale avec ses sièges alignés par rangées de onze, onze tuyaux du grand orgue, onze autels, et un escalier monumental fait de trois fois onze marches. Mais il y a aussi une horloge dont la grande aiguille n’affiche que onze heures au lieu de douze, onze restaurants sur la Riviera soleuroise au bord de l’Aar et le fait que le dialecte soleurois soit le onzième de la Suisse. Pour ajouter à cette énumération, l’histoire confirme qu’il y avait, au Moyen-Âge, 11 corporations, 11 bailliages, 11 chanoines et 11 chapelains. Mais que vaut donc à Soleure cette indubitable fatalité, ou ce chiffre magique diraient plutôt les optimistes ? Celui-ci remonterait à la onzième légion thébaine de l’Empire romain qui vint se réfugier à Solodurum, alias la ville au bord de l’eau. Celle-ci était en majorité de confession chrétienne, avec les deux saints patrons Ours et Victor. Irritée par cette religion qui offensait les dieux, et qui, notamment, refusait d’exécuter les prisonniers, Rome décida d’envoyer une expédition punitive contre les récalcitrants qui furent décapités. Les tombes de saint Ours et de saint Victor sont depuis et jusqu’à aujourd’hui l’objet de pèlerinages.

Soleure
D’une rue à l’autre
Ce qui saute aux yeux lorsqu’on entame une visite de la ville sont ses 11 fontaines monumentales aussi pittoresques les unes que les autres et surmontées de statues, héritage des deniers de la France qui faisaient de Soleure la ville helvétique la plus riche en fontaines. Construites à l’origine pour le ravitaillement de la ville en eau, elles étaient soumises à des règles strictes avec des accès différents selon qu’il s’agissait de puiser l’eau pour la boisson, la cuisine ou la lessive. Chaque fontaine a une histoire qui lui est propre, représentée par des symboles ou des personnages ayant appartenu à l’histoire de la ville. On y trouve, par exemple, la statue personnalisant la justice, celle d’un porteur de bannière, celle, en bois, représentant un chef des mercenaires, celle, devant la cathédrale, représentant Moïse, ou encore celle représentant saint Georges.
On consacrera un peu plus de temps à admirer l’horloge astronomique datant du 14ème siècle. Elle est remarquable par son cadran astronomique avec ses aiguilles pleines de symboles, la petite montrant le soleil et la grande la lune, sans oublier le jacquemart qui frappe les heures et une animation montrant un roi qui a la grandeur d’un nain et qui ouvre la bouche pour rire chaque fois que sonne une heure.

Soleure

Casanova
M. de Chavigny, qui avait été ambassadeur de France à Venise, connaissait Casanova. Alors qu’il occupait ce même poste à Soleure, il invita le célèbre séducteur à lui rendre visite, et au cours de son séjour, lui facilita des rencontres galantes. On dit que la dernière de ces dames, l’une des plus belles, logeait à l’actuel hôtel de la Couronne et lui aurait transmis une maladie vénérienne. Dépité, Casanova s’en serait retourné à Venise. Le compositeur Paul Burkhard a écrit une opérette portant le nom de « Casanova en Suisse. », laquelle devra être interprétée à Soleure à l’occasion du jubilée.

Nombreuses sont les maisons qui ont appartenu à de riches patriciens, et leur architecture témoigne de la générosité de la France envers cette noblesse. L’un des plus beaux édifices est celui, proche de la porte de Bâle, qui appartient toujours à la famille Von Roll. Les maisons patriciennes étaient bâties sur le modèle des hôtels particuliers à la française, avec une cour et une porte cochère pour laisser passer les carrosses.
Parmi bien d’autres sites à admirer, et en vous laissant encore de quoi en découvrir sur place, on retiendra la porte de Bâle et sa tour Saint-Ours de forme ogivale ; tout à côté, des fortifications à la Vauban ; bien entendu la cathédrale de Saint-Ours et ses statues externes de Sainte-Vérène (autre martyre de la cruauté romaine) avec son seau, celle du diable ou encore celles de saint Ours et de saint Victor, et, pour finir, l’église des Jésuites avec, bien entendu, la statue d’Ignace de Loyola à la gauche de sa porte d’entrée. Abandonnée lors de la disgrâce des Jésuites par le Vatican, elle a repris assez récemment ses activités, mais se révèle aussi comme lieu idéal pour des concerts grâce à son excellente acoustique.  En déambulant ici et là, on découvrira les belles places que sont la place du Marché, la place du Cimetière, mais aussi de nombreux coins retirés le long des remparts, comme la pittoresque place de Riedholz, ou encore des rues ayant gardé leur caractère, comme celle des boulangers, où une ancienne boulangerie a toujours pignon sur rue.

Soleure
A la française

« Etre chargé pour Soleure »
Cette expression traduite de l’allemand signifie être saoul. Elle vient des mariniers qui acheminaient par bateau le vin venant des vignes des bords des lacs de Bienne ou de Neuchâtel. Ils ne se privaient pas de puiser les meilleurs vins des tonneaux pour les boire et remplaçaient le liquide par de l’eau. Sur leur passage, les gens disaient « tiens, ils sont chargés pour Soleure ».

La Brasserie fédérale, l’hôtel de la Couronne et de la Tour rouge sont des enseignes délibérément choisis par les propriétaires de restaurants ayant pignon sur rue. Il y a aussi, çà et là, sur les frontons des maisons officielles (même des églises), ou ayant appartenu à des patriciens, la fleur de lys ou mieux, le soleil, référence au roi Louis XIV. C’est dire la dévotion qu’avait la ville pour la France jusqu’à même, à une certaine époque, parler sa langue en priorité. Il paraît qu’au 18ème siècle c’était la langue française qui y était la plus parlée. L’histoire de Soleure mentionne d’abord le pèlerinage de Berthe, reine de Bourgogne qui, au10ème siècle serait plusieurs fois venue se recueillir sur les tombes des saints Ours et Victor, et qui finança la construction de l’église qui allait, plus tard, devenir la cathédrale. L’époque qui témoigne le plus de cette fibre francophile va de 1523 à 1792, alors qu’elle abritait l’ambassade de France qui avait élu domicile dans l’Ambassadorenhof, un splendide bâtiment en forme de U proche de la porte de Bâle. La France avait choisi Soleure, car elle se trouvait à une courte distance de la frontière française et était de confession catholique. A noter que les rois de France avaient alors des largesses financières appréciables et avaient fait de Soleure une ville cossue. Au 18ème siècle, on parlait non seulement le français, mais on vivait aussi à la française.

Soleure
Le jubilée
Du haut des marches de Saint-Ours, 20 siècles vous contemplent : Les premiers signes d’existence en tant que ville du nom de Solodurum entre Aventicum (Avenches) et Vindonissa (Windisch) remonteraient à environ deux mille ans. Il s’agissait alors d’une fortification destinée à protéger contre les attaques des Alamans un pont sur l’Aar, essentiel pour le passage des troupes. Cet espace qui avait alors été bâti par les Romains pour combattre les intrusions des Alamans remonterait à une époque que les archéologues situent aux environs de 20 ans après Jésus-Christ. Pour célébrer ce jubilée, la ville de Soleure avait prévu, en 2020, une exposition au musée des Beaux-Arts (7 mai au 18 octobre) ; une exposition d’art en plein air (4 juillet au 26 septembre) ; une série de conférences « 2000 ans de Soleure » (1et août au 3 novembre) ; « Casanova en Suisse » au Théâtre municipal (à partir du 30 octobre) ; l’inauguration de l’apothicairerie de l’ancien hôpital (5 mars ) ; un festival historique costumé sur le thème « 2000 ans de légende » (21 et 22 août) ; des concerts en plein air sur les escaliers de la cathédrale de Saint-Ours (3 au 5 septembre). Tout ceci, évidemment, sous réserve des contraintes sanitaires.

Texte Gérard et Erika Blanc
Photos © Gérard Blanc

Informations pratiques

SoleureY aller

Par train direct depuis Genève, Lausanne, Neuchâtel : via Berne depuis Fribourg

Boire et manger

Brasserie fédérale, Vini al grappoia, Zunfthaus zu Wirthen, bar de l’absinthe « Die Grüne Fee »

Dormir

Zunfthaus zu Wirthen, La Couronne, Roter Ochsen, Baseltor

À voir encore

Le musée de l’arsenal, le musée des Beaux-Arts, le musée d’histoire naturelle, le musée historique Blumenstein et le musée Enter

 

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