Touristes, si vous saviez...
JE PARS À LA DÉCOUVERTE

Chypre: le dialogue Nord-Sud là où le tourisme enjambe les conflits

Le tourisme à Chypre dépasse les clivages politiques. Bien souvent, les visiteurs n’hésitent pas à visiter les deux régions lors d’un même séjour.

En engageant la conversation avec des habitants des deux parties politiques de l’île, on s’expose à recevoir des arguments émotifs qui, bien entendu, divergent dans chaque région. Mais est-il bien nécessaire de prendre parti quand on est en vacances? Le tourisme n’arrête pas de se développer, qu’on atterrisse à Larnaca ou à Ercen et, finalement, tout se passe le mieux du monde une fois passé les formalités frontalières. Historiquement, Chypre doit se considérer dans sa globalité. Alors, partons à la découverte de cette île fascinante qui, comme la Sicile ou Malte, a connu bien des invasions et, de par sa proximité de la Terre sainte, les passages des croisades.

Faites vos jeux

Une chose qui distingue une partie à l’autre de l’île est d’abord l’infrastructure immobilière. Dans les grandes lignes, celle du Nord est davantage concernée par la construction de résidences secondaires, dont beaucoup sont la propriété de Britanniques. Dans la partie sud (2/3 de l’île), le littoral est beaucoup plus construit. L’infrastructure balnéaire prédomine avec des hôtels et des appartements de vacances, les exemples les plus typiques étant les stations de Limassol et de Paphos. Les plages aménagées sont également plus répandues dans la partie sud que dans la partie nord. C’est au Nord qu’on trouve des plages sauvages, plus spécifiquement dans la péninsule extrême est qui pointe vers le sud-est de la Turquie. Les plages sont parfois plutôt noires au Sud (conséquence des montagnes volcaniques du Tróodhos) et blanches au Nord, avec la visite de tortues de mer au moment de la ponte.

Parallèle

A Famagouste se dresse la cathédrale Sainte-Sophie de pur style gothique transformée en mosquée, et dont l’une des tours est un minaret. Réaction islamiste? Pas du tout: la transformation date de l’invasion ottomane et possède d’ailleurs son pendant à Nicosie en territoire grec avec une autre mosquée-cathédrale ainte-Sophie qui est flanquée, elle, de deux minarets.

Si Chypre Nord brille par ses beautés culturelles, elle s’attache moins au tourisme balnéaire. Par contre, le fort de son économie est les casinos et les centres de congrès. On y trouve des établissements gigantesques pouvant accueillir des milliers de congressistes, mais, surtout, attachés aux mêmes hôtels, des casinos vers lesquels affluent les habitants d’Istanbul pour jouer des fortunes le temps d’un week-end.

Antiquité

Chypre est en plein centre du grand théâtre es migrations, invasions et influences multiples ui ont forgé l’histoire ancienne de la Méditerranée. Il faut, bien sûr, considérer ’île dans son ensemble. Le Sud comme le Nord ont leur lot de références aux passages de grands personnages tels Ptolémée ou Constantin, roi de Salamis. Tant la visite de Salamis au Nord que celle de Kourion et de Palea Paphos, le sanctuaire d’Aphrodite (remarquable pour ses mosaïques), au Sud, sont d’un intérêt capital pour qui arrive à suivre les circonvolutions de l’époque antique. La célébrité de Chypre a été faite par sa référence à la mythologie grecque avec le rocher de Petra tou Romiou, là où il est dit qu’Aphrodite aurait émergé des flots, emportée par le vent Zephyros, ou encore la grotte d’Akamas, dite des «Bains d’Aphrodite» (la déesse y donnait rendezvous à ses amants, dont Adonis). Ainsi naquit l’appellation mille fois répétée de «Chypre, l’île d’Aphrodite».

Artisanat et spécialités locales

Chypre Sud vit très fort l’exode rural des jeunes qui choisissent de vivre à la ville, à Nicosie de préférence. Ce phénomène préoccupe les autorités chypriotes qui comblent le dépeuplement et le vieillissement de la population des villages en en faisant des attractions touristiques permettant aux habitants de s’affirmer dans une activité lucrative. L’archétype en est le village oenologique et artisanal d’Omodos, dont les maisons paysannes ont été repeintes à la chaux. Les habitantes se sont remises à la broderie, les vignerons ont ouvert des caves de dégustation, les épiciers, les charcutiers, les fromagers et les boulangers ont ré-achalandé leurs échoppes en produits du terroir. Les tavernes qui ont su maintenir leurs traditions gastronomiques ne désemplissent plus: de quoi y passer une après-midi entière.

Une histoire mouvementée

L’histoire de Chypre passe d’abord par le château de Kyrenia (Gürne pour les Turcs), dont la visite révèle une foule d’événements survenus aux passages des différentes civilisations qui s’imposèrent de gré ou de force.

Egyptiens, Grecs, Byzantins, Lusignans (qu’on appelle aussi les Francs), Vénitiens, Ottomans et Anglais s’y succédèrent. Kyrenia fut aussi le lieu de transit des croisés avec Richard Coeur de Lion à leur tête, et des Templiers en transit vers la Terre sainte. Ce château renferme un trésor qu’est la reconstitution de l’épave d’un navire grec datant du 4e siècle avant Jésus-Christ et reconstituée dans une salle approprié, pour le plus grand plaisir du rêve historique.

La suite de la découverte de Chypre passe par Saint-Hilarion, ou le château de la Belle au bois dormant. Walt Disney s’en serait inspiré pour le décor de son dessin animé. Perché au sommet d’un piton rocheux avec trois niveaux et quelques 500 marches à gravir pour atteindre le sommet, ce château possède un long pédigrée, avec un éventail de références à des joutes, des défénestrations et des légendes, dont la plus touchante est celle de la châtelaine amoureuse d’un berger au chant envoûtant et qui découvre, vingt ans plus tard, que sa propre fille en est à son tour tombée amoureuse.

A quelques kilomètres de là, Bellapais (13e siècle) est l’autre site phare de l’île, autant peut-être par ses ruines qui, à travers les âges, furent tantôt un monastère augustin, une garnison militaire et une prison, que pour son «arbre de paresse», lieu de jeux des hommes de ce village bucolique, qui fut décrit d’une façon pittoresque par le poète britannique Lawrence Durell.

Des villes et des ports

Il se dégage toujours une magie picturale dans les ports méditerranéens. La plupart sont attachés à une histoire spécifique, soit par une tour, un château ou un rempart. Si le port de Kyrenia est dominé par son château, il en va de même pour le port de Paphos (Chypre Sud) ou celui de Famagouste (Chypre Nord) et ses imposants remparts.

Tant au Nord qu’au Sud, les quais des ports sont, on s’y attend, bordés de petits restaurants de poissons sympathiques, mais aussi le théâtre d’atmosphère, tel de groupes d’hommes aimant jouer au cartes ou au backgammon, avec des discussions animées, voire des disputes qui font partie du quotidien.

La capitale

Nicosie pour les uns, Lefkosa pour les autres, la capitale de Chypre est bicéphale, coupée en deux par la «ligne verte», un no man’s land géré par les Nations Unies. Cet état de fait n’empêche néanmoins pas les habitants d’y affluer en dépeuplant les campagnes et en grignotant chaque jour sur les terres agricoles. Si, côté Sud, un arrêt devant le palais épiscopal, un majestueux bâtiment datant de l’époque coloniale britannique et doté d’une imposante statue de monseigneur Makarios, fer de lance de la lutte anticoloniale britannique, est inévitable, ce passage sera récompensé par la visite de l’église d’Avios Ioannis. C’est un ancien couvent bénédictin dont il faut admirer les magnifiques fresques et, jouxtant l’église, le musée d’art populaire byzantin financé par feu Makarios, qui renferme l’une des plus belles collections d’icônes au monde.

Un cours d’histoire vous sera certainement donné si vous vous rendez sur les remparts de la ville. Ils furent le théâtre des différentes dominations militaires qui ont forgé cette ville au cours des siècles, avec ses onze bastions et ses trois portes, dont la plus belle étant celle de Kyrenia.

La véritable température ambiante de Nicosie se prend en déambulant la rue Ledra, qui est la rue la plus commerçante, ou encore sur la place Eleftheria (place de la Liberté), avec sa colonne vénitienne et, sur le pourtour, celui qui fut le palais de Justice (très british), et l’ancien bâtiment du télégraphe.

L’insolite de Nicosie côté turc réside dans le quartier Samanbahçe qui fut le premier HLM du monde construit en 1899. Il s’agit de 70 maisonnettes dont la majorité sont des deux-pièces avec un vestibule, une kitchenette et une salle de bain.

Textes et photos Gérard Blanc


Infos pratiques

Vols

En été: vols charters entre Genève et Larnaca (Chypre Sud). Pour se rendre à Chypre Nord, la seule solution est de prendre un vol quotidien pour Istanbul avec Turkish Airlines et une correspondance pour Ercen. Tout ceci selon les conditions sanitaires en vigueur bien sûr.

Logement

Les logements chez l’habitant et autre agrotourisme sont plus répandus au Sud. Pour les hôtels classiques, suggérons: Ada Beach Boutique Hôtel à Kyrenia, Poseidonia à Limassol, Cratos à Kyrenia, Merit Lefkosa à Nicosie Nord.

Boire et manger

Le bien manger chypriote existe pour qui sait choisir la bonne taverne authentique, comme les tavernes Pykos à Nicosie ou Stou Kir Yanni à Omnos. Outre la décoration rustique d’un goût délicat, ces deux établissements savent mieux que quiconque servir une large palette de délicatesses de la grande tradition des cuisines grecque et turque consistant en une suite copieuse de succulents plats du terroir, le tout accompagné par les meilleurs des vins de pays. Côté douceurs, Petek, à Famagouste, est le temple incontesté des loukoums faits maison, parfois exposés sous forme de gigantesques pâtes enrobant un pieu que le serveur découpe en vrac selon le choix du client.

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