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JE PARS EN WEEK-END

L’Art à Zurich, du Corbusier à Tinguely en passant par l’Art brut

Un  parcours artistique au long du tram 4 le temps d’un week-end.

Zurich mérite qu’on lui consacre une visite sur le thème de l’art, qu’il soit brut, cubique ou autre. La ligne de tram n° 4 porte, à juste raison, le sobriquet de « ligne des arts ». Altstätten fut jadis un village périphérique, grignoté peu à peu par la métropole pour en composer en partie le 9ème arrondissement. Ce lieu se donne des airs de quartier de la Défense de Paris avec ses tours imposantes hébergeant des grandes banques, des industries et les sièges de la grande distribution helvétique. Nana Niki de Saint PhalleC’est aussi le siège de la Haute école d’art de Zurich et, fortuitement, c’est là que s’étale un chapelet de musées se rapportant à l’art, à commencer par le Musée du design installé dans le bâtiment même de l’école, mais aussi, à faible distance, celui d’art digital. La liste s’allonge au fur et à mesure du parcours du tram 4 en direction de l’autre tête de ligne, à savoir celle de Tiefenbrunnen. On passe bien entendu par la gare centrale où, dans la halle principale, la plantureuse statue de Nana, œuvre de Niki de Saint-Phalle (épouse de Jean Tinguely) plane avec grâce au-dessus des voyageurs. Plus loin, à l’arrêt de la place Centrale, nous voilà à proximité du musée Visionnaire, qui excelle dans l’art brut et, plus loin, l’incontournable Kunsthaus, musée officiel des Beaux-Arts où sont exposées les peintures des grands maîtres. En se rapprochant de l’autre terminus qu’est Tiefenbrunnen, on parvient parc d’agrément du Zürichhorn, et c’est là où se trouve l’apothéose de notre parcours avec le pavillon du Corbusier et Eurêka, la grande machine élaborée par Jean Tinguely et, au passage, le jardin chinois.

Le musée Visionnaire 
Art brut ZurichMême si l’art brut n’est pas obligatoirement au goût de tout le monde, le découvrir au musée Visionnaire, qui s’affiche aussi comme musée des outsiders, est des plus passionnant, surtout quand on apprend la vie originale des artistes. L’insolite réside aussi dans le fait qu’avant chaque exposition, le public peut visionner les œuvres des postulants et décider s’ils pourront ou non exposer. Ce lieu ne peut laisser personne indifférent par son originalité. Parmi les artistes qui exposent ces jours, on retiendra d’abord Julia Krause-Harder et ses sculptures représentant des drôles de dinosaures. Vanda Vieira-Schmidt, quant à elle, a réussi un exploit en dessinant sur plus de 500’000 feuilles de format A4 qu’elle a empilé tel un gigantesque complexe de tours de papier, symbole de la préservation de l’humanité et du rétablissement de la paix mondiale. Art brut ZurichAvec le Britannique Ben Wilson, vous découvrirez un artiste qui s’est rendu populaire en peignant des chewing gums sur les trottoirs de Londres. Les œuvres du Finlandais Ilmari Salminen (décédé en 2008) montreront son bureau imaginaire où sont exposés tous les éléments qui peuvent le raccorder au monde et tous les moyens lui permettant de communiquer avec les extraterrestres, ainsi que plusieurs tableaux illustrant toutes les personnalités politiques et autres qui ont refusé de le recevoir (la reine de Suède, Lady Di, etc.). Art brut ZurichUn autre artiste de renom exposé est Paul Amar, Français d’origine algérienne ayant vécu à Paris où il a été chauffeur de taxi. Venant au secours des prostituées en détresses, il ne leur demandait rien d’autre en échange qu’elles lui donnent du vernis à ongles pour qu’il puisse peindre ses sculptures faites de coquillages et de fils électriques, le tout illuminé de l’intérieur.

Parzival
Le plus étonnant de tous les artistes exposés au musée visionnaire est sans conteste Parzival, qu’on appelle aussi Monsieur le vert, citoyen du monde, qui, le jour du vernissage de ses œuvres au musée Visionnaire, se présenta à son hôtel avec un passeport fait par lui-même en tant que citoyen du Monde. Art brut ZurichL’hôtel refusa le document considéré comme non conforme et appela la police qui ne tarda pas à arriver et lui demanda de le suivre au poste. Il obtempéra tout en refusant de monter dans la voiture de police, un moyen de transport contraire à ses convictions de lutte contre les énergies fossiles. Les policiers durent l’escorter à pieds. Au poste, il expliqua en long et en large qui il était, pourquoi il prenait le nom de Parzival, pourquoi il avait un passeport de citoyen du monde établi par lui-même, et que, par contre, il était Art brut Zurichd’accord de donner son empreinte digitale. Finalement, la police fut sensible à ses arguments et le laissa partir. Il arriva au vernissage avec une heure de retard. En guise d’hôtel, il passa la nuit au musée et retourna à son domicile de Sonceboz le lendemain. Ses travaux exposés au musée Visionnaire témoignent de ses combats pour créer une banque dans le no man’s land du Golan, de sa lutte pour la paix mondiale, de la promotion de l’esperanto et de la lutte pour le climat avec des horloges dont les aiguilles pointent sur midi moins cinq, symbole de l’urgence de la situation.

Le pavillon Le Corbusier
Le saviez-vous ? Charles-Edouard Jeanneret, alias Le Corbusier, avait élu domicile dans un pavillon coloré avec des dominantes de vert, de jaune et de rouge, situé dans le parc de Zurichhorn en bordure du lac de Zurich. Ce bâtiment est une sorte de réplique de son cabanon de Roquebrune-Cap-Martin, proche de Menton. C’est un véritable chef d’œuvre architectural. L’édifice est construit uniquement en verre et acier, chose surprenante quand on sait que son matériau préféré était le béton. En parcourant les diverses pièces, dont certaines, comme la cuisine ou la salle de lecture ont été conservées telles quelles, le musée permet de constater que, à l’instar de ses contemporains Jean Cocteau ou Pablo Picasso, Le Corbusier avait plusieurs cordes à son arc, dont la peinture et la sculpture dans le style cubiste, collectionneur, poète, etc. Au Museum für Gestaltung (musée du design), situé dans l’enceinte de la Haute école d’art de Zurich, on peut en ce moment découvrir que l’artiste excellait aussi dans cette discipline.

Une machine infernale ?
Eurêka TinguelyA quelques pas du pavillon du Corbusier se dresse la sculpture créée par Jean Tinguely en 1964 pour l’Exposition nationale suisse. Comme d’autres machines similaires du sculpteur, celle-ci est aussi mise en mouvement à heures fixes. De grande taille (près de 10 mètres de hauteur), elle est composée de barres de fer, de roues en acier, de poêles à frire et de tuyaux en métal, machine déclarée totalement inutile par l’artiste, mais construite avant tout pour dénoncer la civilisation de consommation et son développement frénétique et sans issue. Elle porte le nom d’« Eurêka » (« J’ai trouvé ! ») en référence à ce qu’avait crié le mathématicien grec Archimède quand il avait découvert que tout corps plongé dans un liquide,… etc.
Attention : Elle n’est mise en marche pendant 8 minutes qu’aux heures fixes de 11h, 15 h et 19h.

Gérard Blanc et Erika Bodmer
Photos © Gérard Blanc

Renseignements : Office du tourisme de Zurich www.zuerich.com/fr, Pavillon Le Corbusier https://pavillon-le-corbusier.ch, https://www.museevisionnaire.ch.

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