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Château d’Hortense de Beauharnais : un Musée Napoléon en Thurgovie

Qui aurait pu imaginer un château Napoléon à Arenenberg, sur les rives de l’Untersee dans le canton suisse de la Thurgovie ?
Et c’est pourtant vrai. Il faut admettre que ce n’est pas vraiment le château où vécut Napoléon 1er (il n’y vint qu’une seule fois et n’y resta que quatre jours), ni même Napoléon III d’ailleurs (il vint quelques mois avant la mort de sa mère), mais plutôt Hortense de Beauharnais, fille de l’impératrice Joséphine qui avait acheté ce manoir à sa fille. Malgré tout, il y respire la personnalité du « petit caporal » et de son neveu Louis Napoléon (Napoléon III).
Comme l’explique Christina Egli, conservatrice d’Arenenbreg, lorsque le château de Malmaison, où vécut Joséphine, fut ouvert comme musée national, il était entièrement vide. En 1906, l’impératrice Eugénie (épouse de Napoléon III) a fait don au canton de Thurgovie de la maison d’Arenenberg (un an après que le château de la Malmaison fut déclarée comme musée), et y fait envoyer certains meubles. Le musée Napoléon n’a, heureusement, jamais été en manque d’ameublement. Quand on y pénètre, dès l’entrée, l’ambiance napoléonienne vous prend aux tripes. C’est peut-être parce que cette maison a été habitée jusqu’au dernier jour lorsqu’elle est devenue un musée à partir de septembre 1855. La mode venue d’Angleterre voulait qu’on puisse visiter des domaines habités par la noblesse en l’absence de leurs propriétaires.

Des visiteurs de marque
Le site fut aussi un point de ralliement pour les écrivains, les musiciens, les poètes, les politiciens, les historiens, etc. Le livre d’hôte fait état des premiers visiteurs illustres, comme Franz Liszt en 1857. Alexandre Dumas qui avait 30 ans à l’époque logeait chez Louise de Cochelet, lectrice d’Hortense de Beauharnais, qui habitait à proximité dans le château de Wolfsberg. Il vint timidement rendre visite à Hortense. Enhardi par son bon accueil, l’écrivain lui confia sa conviction que son fils, Louis Napoléon, ne monterait jamais sur le trône de France. Erreur, c’est lui qui devint Napoléon III. Chateaubriand vint aussi à Arenenberg, mais seulement pour y retrouver Juliette Récamier, sa maitresse, qui était une amie d’Hortense, puis retrouver sa femme à Genève.
Le musée a été conservé dans l’esprit d’une maison d’habitation tout en restant historique. C’est ce qui rend la visite particulièrement vivante et que les sacs et les appareils de photos sont strictement interdits pour éviter de toucher le moindre objet d’époque qui pourrait tomber.

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Retour sur Histoire
Hortense avait dû quitter la France en 1815. Après la première abdication de Napoléon 1er, elle y était restée avec ses deux enfants qui étaient des princes français, et elle avait décidé qu’ils devaient vivre dans leur pays. C’est à peu près à la même époque qu’on appellera les « Cent jours » que Napoléon s’échappa de l’île d’Elbe pour rejoindre la France et reprendre le pouvoir. Joséphine de Beauharnais était décédée et Marie-Louise, la seconde épouse de Napoléon 1er, avait été rapatriée en Autriche. Il n’y avait plus de première dame aux côtés de l’empereur, et c’est Hortense qui va jouer ce rôle. Puis arriva la défaite de Waterloo et Napoléon fut exilé à Sainte-Hélène. Tous les affiliés à Bonaparte devinrent persona non grata en France et furent exilés. Hortense de Beauharnais acheta donc Arenenberg et emménagea en 1820.
Hortense s’était ouvertement déclarée fidèle à la mémoire de Napoléon. En risquant sa vie, elle errera pendant quatre mois d’un pays à l’autre. On la vit à Aix-les-Bains, où elle attendit en vain une réponse des Alliés sur le lieu où elle aurait le droit de s’installer. Excédée du manque de réponse, elle se fit délivrer des passeports pour la Suisse (à l’époque, il fallait un passeport par canton). Elle traversa la Suisse et s’installa à Constance qui, à l’époque napoléonienne, faisait partie du grand-duché de Bade. Or, la grande-duchesse de Bade était Stéfanie de Beauharnais, sa cousine. Les Alliés firent pression sur le grand-duc qui, malgré lui, dut refuser d’accueillir Hortense. On lui laissa néanmoins le temps de se reposer et, pendant ce temps, elle visita le canton de Thurgovie. Il faut rappeler qu’en 1803, Napoléon 1er avait fait signer un acte de médiation entre les cantons suisses, excédé par leurs guéguerres fratricides et désireux d’avoir la paix aux frontières de la France. Il donna alors à la Suisse une nouvelle structure qui augmenta la Suisse de 12 nouveaux cantons dont fit partie la Thurgovie. Douze ans plus tard, la Thurgovie qui ne voulait toujours pas se faire dicter sa conduite par Berne, fit comprendre à Hortense qu’elle pouvait s’installer en Thurgovie, si elle le souhaitait, ceci malgré l’interdiction formelle du gouvernement fédéral aux membres de la famille napoléonienne de s’installer en Suisse. Hortense vint donc s’installer à Arenenberg, de même que son frère Eugène, qui acheta le château de Eugensberg à proximité.

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Un essor économique
Hortense fit faire des plans de rénovation avant même de pouvoir acheter Arenenberg. Ceux-ci comprenaient l’installation de trois salons, la construction de dépendances, l’aménagement d’un parc paysager et une ferme à la mode de l’époque. On lui octroya le droit de chasse et de pêche et l’exploitation des vignes, plantées à l’origine par des moines bavarois. Elle s’installa dans une vie confortable avec l’été à Arenenberg jusqu’à la période des vendanges et l’hiver en Italie. Pour ne pas mettre dans l’embarras le gouvernement de Thurgovie, Hortense ira, le temps des travaux, se faire héberger chez son frère en Bavière. Ella fit la navette entre la Bavière et Arenenberg, ce qui sembla convenir au gouvernement suisse. Hortense était donc en déplacement permanent entre Mannheim chez sa cousine consiste Stéfanie, les cures en Argovie, l’abbaye de Einsiedeln, et, en Hiver, Florence, où vivait son mari, frère de Bonaparte dont elle était séparée, mais pas divorcée et ses fils, et, enfin à Rome. Tous les amis d’Hortense vinrent s’installer près d’elle et la région fut bientôt appelée la « petite France ». Cela créa un phénomène économique florissant donnant des emplois dans tous les environs. A lui seul, le domaine d’Arenenberg employait jusqu’à une centaine de personnes (fermiers, maçons, serveurs, cochers, jardiniers, palefreniers, etc.). L’hôtellerie connut elle aussi un nouvel essor, de même que plusieurs magasins de Constance jusqu’à concurrencer la Suisse sur le plan de la qualité, comme le décrit dans ses mémoires Louise de Cochelet, lectrice d’Hortense.

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Napoléon III
Après l’échec du soulèvement de Strasbourg qu’il fomenta en octobre 1836, Louis Napoléon, neveu de Napoléon 1er et le futur Napoléon III, partit aux Etats-Unis, et Louis Philippe, monarque débonnaire, ferma les yeux, ne voulant pas qu’il en faire un martyr. La dame de compagnie d’Hortense de Beauharnais lui écrivit une lettre implorante qui disait « revenez vite, votre mère est mourante.». Louis-Napoléon prit le premier bateau et se rendit à Arenenberg pour partager les deux derniers mois de la vie de sa mère. Or cela posa un sérieux problème entre la France et la Suisse qui furent à deux doigts d’entrer en guerre. Tenant affectivement et stratégiquement à ces deux pays, Louis Napoléon fit ses adieux sur la place du marché de Constance (jumelée avec Fontainebleau) à la manière de son oncle Napoléon 1er. Il s’exila à nouveau en Angleterre où il prépara un second coup d’’Etat. A peine arrivé à Boulogne, il fut arrêté. Louis-Philippe, agacé l’emprisonna pour de bon cette fois-ci. Plus tard, Louis-Napoléon s’échappa déguisé en maçon. Pendant son incarcération, il avait besoin d’argent pour étudier. C’est Pourquoi il décida de vendre Arenenberg en 1843, mais avec droits de rachat. En 1855, c’est en tant qu’empereur Napoléon III qu’il racheta la propriété. Il fit tout remettre en état comme au temps de sa mère. Après le décès de Napoléon III, l’impératrice Eugénie vint habiter à Arenenberg et respecta le vœu de son mari de tout garder en l’état du vivant d’Hortense, même si, 50 ans plus tard, les goûts et les styles avaient changé. Elle rajouta néanmoins trois salons, un bow-window et de la moquette.

Aujourd’hui, la fondation Napoléon aide financièrement l’entretien du parc.

On trouve encore aujourd’hui des groupes de bonapartistes qui crient « vive l’empereur » et entonnent le Chant du départ.

Texte Gérard Blanc et Erika Bodmer
Photos © Gérard Blanc

 

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