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CUISINE DU MONDE / ILS FONT LE TOURISME

Christian Morisset : un long itinéraire jusqu’au Figuier de Saint-Esprit

En longeant les remparts côté ouest de la vieille ville d’Antibes (Côte d’Azur), juste après le musée Picasso, on pousse la porte d’un restaurant dont la décoration artistique laisse déjà présager ce qui se révélera un grand moment, pour les yeux peut-être, mais pour les papilles assurément.

Le parcours d’un combattant : Avec sa moustache délicatement tournée en guidon de vélo, Christian Morisset, maître des lieux, est un personnage discret et attachant, surtout lorsqu’il raconte son long chemin qui l’a guidé vers le sommet de son ambition, avec bien des incidents de parcours et des embûches. IMG_8564+Sa vocation remonte à l’âge de cinq ans dans une famille rurale des environs de Ruffec (Poitou-Charentes), où il fit ses premières galettes avec la crème épaisse du lait cru et, à huit ans, les premières tomates farcies avec la viande des cochons dans une ferme familiale où l’on vivait presque en autarcie. A 14 ans, Christian Morisset décida qu’il serait pâtissier. Il s’engagea comme apprenti pendant trois ans jusqu’au CAP (Certificat d’aptitude professionnel) , puis se présenta en candidat libre en CAP de cuisinier. Service militaire au mess des officiers à l’issue duquel il s’engagea, à 22 ans, dans le service de pâtisserie d’un centre Leclerc. On ne comptait pas les heures, mais Christian de rechignait pas, jusqu’au jour où le magasin décida de se fournir en pâtisserie industrielle précuite. La motivation n’y était plus. Il consulta les annonces de l’Hôtellerie et trouva un poste dans la chaîne des « Grandes étapes françaises »  au Mas d’Artigny de St-Paul-de-Vence. Après plusieurs péripéties, un ami lui trouva ensuite une place de commis de cuisine à la Bonne Auberge à Antibes. Christian Morisset passa l’année 1980 à l’hôtel Victoria de Glion S/Montreux pour la saison d’hiver pour enchaîner, au printemps, chez Alain Ducasse, qui le guida ensuite vers Roger Vergé au Moulin de Mougins en décembre 1981. Après quatre ans de bons services, il alla voir Jacques Maximin qui le recommanda à Pierre Traversac au château d’Esclimont (près de Rambouillet) qui l’embaucha dans le but d’obtenir un second macaron Michelin. Constatant le manque d’ambition du directeur en place, il dût alors se rendre à l’évidence que le second macaron ne serait jamais obtenu et se dirigea ailleurs au bout de deux ans. En avril 1987 c’est chez Alain Ducasse à l’hôtel Juana de Juan-les-Pins qu’il poursuivit sa carrière avec pour obligation préalable de compléter sa formation avec trois stages chez des  grandes pointures de la cuisine. Puis, ce fut pendant dix-huit ans le poste de chef de cuisine jusqu’à ce que, entre-temps, en 2002, une société rachète l’établissement, investit dans des travaux pharaoniques et des achats monumentaux de matériel avec pour but l’acquisition d’un macaron Michelin supplémentaire. Le seul but de cette société était de tout revendre « clé en mains ». Christian Morisset demanda que le restaurant soit mis à son nom, ce qui fut accepté, bien que de mauvaise grâce. Fin 2004, alors qu’il était en vacances, il apprit que le restaurant ne rouvrirait pas et qu’il était remercié, de même que l’ensemble du personnel du restaurant. Fatigué de ces histoires, Christian Morisset et son épouse décidèrent de se mettre en quête d’un restaurant qui serait le leur. Après diverses recherches, en 2007, ils investirent les lieux qui devinrent bientôt le Figuier de Saint-Esprit à Antibes.

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Le fils ainé Jordan sort de l’école hôtelière Paul Augier de Nice avec un bac pro de cuisinier. Son père lui propose de commencer l’aventure du restaurant familial en 2007. Puis, il se perfectionne avec des stages chez Ducasse et Robuchon (à Singapour) et passe six mois six mois au domaine de Châteauvieux à Satigny près de Genève. où le chef n’avait aucun respect pour son personnel. Puis il fit un  stage chez un traiteur, puis revient au restaurant familial.
Le fils cadet, Matthias, n’est, au départ, pas intéressé par la restauration et ni par les études,. mais plutôt par la moto. Le centre d’orientation professionnelle le dirige alors vers un métier de mécanicien de moto. Conclusion de ses professeurs : Matthias ne semble pas être très doué pour ce métier, ce que Matthias admet. Il confie alors à son père qu’il veut devenir pâtissier. Après deux ans d’apprentissage passés chez un pâtissier d’Antibes, il intègre la pâtisserie du Figuier. Son père l’envoie ensuite compléter une formation à l’hôtel Juana de Juan-les-Pins. Puis, après une escapade au Mexique, il vient se poser chez son père et intégre la cuisine où il travaille maintenant.
Josiane, l’épouse du grand Maître, a en tout temps fidèlement secondé son mari. Son premier rôle est celui de l’accueil des clients qu’elle remplit à la perfection. Son apostolat est aussi de veiller à la bonne décoration artistique de l’établissement et d’opérer un tournus régulier des tableaux peints par des artistes locaux. Artiste elle-même, elle n’est, d’ailleurs, pas étrangère à certaines œuvres, comme, par exemple, l’armoire de l’entrée décorée par un savant système de papier mâché peint.

IMG_8570La créativité : Tout commence par le marché, où l’attention se porte sur le choix de la bonne asperge, du bon petit-pois, de la belle tomate, de la belle courgette, de la belle aubergine, de la belle cerise. C’est le premier côté intéressant. Lapalissade peut-être, mais comme le dit Christian Morisset : « On ne peut pas faire de la bonne cuisine si on n’a pas le bon produit. Mais quand on  l’a, il faut le sublimer et surtout pas le dénaturer. Je ne fais pas la cuisine fusion, ni la cuisine moléculaire. Je fais la cuisine comme je la sens, avec une certaine créativité certes, mais le produit passe avant tout. Rien de tel qu’une bien bonne asperge accompagnée par un véritable œuf de ferme, un bon foie gras accompagné d’une gelée de poire de la région agrémenté d’un chutney de poire-abricot. L’important est qu’à tout moment on sente que le produit est bien là. Même principe pour un poisson, une viande, un crustacé ou un coquillage. Le choix de la langoustine est important. Il faut qu’elle soit suffisamment grosse pour que quand on mange une langoustine, elle dévoile toute la saveur d’une vraie langoustine. On travaille avec des jus très courts. Dans l’assiette on ne trouve pas une multitude d’ingrédients : quatre saveurs tout au plus, afin que le palais ne soit pas submergé par une quantité trop importante de goûts. L’important est de pouvoir les distinguer et les apprécier chacun à part et, ensuite, ensemble, en complémentarité. »

Au menu : S’il est des plats chers au cœur de Christian Morisset, ce sont bien ceux qu’il a élaboré en l’honneur de ses deux fils, à savoir la selle d’agneau des Alpilles, dédiée à Jordan, cuite dans de l’argile de Vallauris accompagnée de gnocchis aux truffes et, en l’honneur de Matthias, le cannelloni de supions et palourdes à l’encre de seiche. Parmi les autres suggestions, il y aurait la grosse langoustine mi-cuite accompagnée d’un caviar Osciètre, et en dessert les fraises « Cleary » de Carpentras et meringues « Pavlova ».

Texte Erika Blanc, photos Gérard Blanc

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