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JE PARS À LA DÉCOUVERTE

A saisir: une Roumanie encore authentique

Fortes en émotions picturales et artistiques, les Maramures et la Bucovine décoiffent. Au nord de la Roumanie, les Carpates constituent un rempart ayant pu, à maintes reprises, ralentir les invasions des Hongrois, des Tartares, des Turcs, voire même des Cosaques venus d’Ukraine. Les Carpates sont aussi le château d’eau de tout le pays.

Ces montagnes représentent la plus grande chaîne d’origine volcanique de l’Europe. Elles délimitent deux régions, qui contrastent avec la nouvelle vie citadine roumaine par une vie campagnarde, telle qu’elle se vivait encore il y a un, voire deux siècles. Deux régions offrent cette image: les Maramures et la Bucovine.

La reine des sculptures sur bois

La province des Maramures est la plus fortement imprégnée de cette image rurale. On dirait certains villages comme coupés du monde avec des rues non encore goudronnées. Ça et là, on trouve des poteries accrochées aux branches d’un arbre, telle une décoration insolite. Cette tradition tenace est encore pratiquée et signifie un voeu de prospérité pour les jeunes mariés. Par contre, quand on arrive en ville de Baia Mare, de Sighestu Marmatiei ou de Borsa, les jeunes filles ont un look résolument moderne, pendues à leur téléphone portable.

Le cimetière joyeux

L’incontournable des Maramures est le Cimetière joyeux du village de Sapânta, dans la contrée de Oas. Jouxtant une petite chapelle unique en son genre pour ses icônes, cet espace est consacré à des tombes pour le moins insolites. Un jour, le sculpteur sur bois Ioan Stan Patras eut l’idée de sculpter les stèles en bois des tombes pour y inscrire des épitaphes originales. Dans un style direct, celle-ci décrivaient les événements cocasses du défunt ou de la défunte, avec des détails, tels que celle qui avait épuisé trois maris, celui qui était généreux et offrait toujours à boire à ses copains, celui qui s’était fait escroquer en achetant une vache, etc. Pour couronner le tout, dans un style proche de celui du douanier Rousseau, un petit bas-relief donne un portrait naïf de la personne en question, voire même une des scènes décrites dans le texte.

Si l’ère de la dictature de Ceausescu est révolue, le peuple garde une certaine prudence face à l’Union européenne. L’essor économique qui pourrait en découler n’est pas encore arrivé à convaincre les habitants des campagnes.

Heureusement, il reste encore bien des trésors à admirer, dont l’art de sculpter le bois, que nul autre ne peut égaler. La plus belle réalisation est la flèche de l’église de Surdesti, la plus haute d’Europe (54 m.), dont tous les clous sont en bois.

Mais le plus admirable encore est cet art de la sculpture sur bois des palissades et des portails des maisons paysannes. Vite aller les admirer serait un sage conseil car, si jadis le travail du bois était quelque chose de naturel, lors des travaux d’une nouvelle maison, les nouvelles constructions tendent à délaisser cet art. L’économie de marché grandissante et, avec elle, l’appât du gain rapide et de la réduction des coûts ont pour conséquence que les palissades et autres portails en bois sculpté dépassent les moyens financiers des salariés moyens, car ce travail, jadis gratuit, traditionnel et spontané, devient de plus en plus cher.

Ne cherchez pas trop le spectaculaire dans les Maramures. Il se trouve sous vos yeux sous forme de folklore, d’artisanat et d’architecture populaire. Les coutumes sont tenaces, surtout quand il s’agit de cérémonies liées à la vie paysanne et aux événements religieux. Hormis les costumes de fêtes, les habits paysans tissés avec soin et les foulards des femmes n’ont pas été mis pour le seul plaisir du photographe. Les fêtes sont célébrées avec faste, quels que soient les moyens financiers qui, la plupart du temps, sont limités. On se débrouille avec les moyens du bord.

Dans les villages, et pour autant que vous parliez le roumain ou que vous ayez un traducteur sous la main et que vous preniez la patience d’attendre que votre interlocuteur ait compris ce que vous vouliez voir, on vous montrera alors volontiers l’atelier de tissage, de poterie ou de peinture sur oeufs (vieille coutume apparentée au sacrifice de la divinité). On vous montrera aussi les ateliers des sculpteurs sur bois qui, précisément, fabriquent les chefsd’œuvre qui décorent des villages entiers.

A défaut, vous pourrez vous rabattre sur les centres artisanaux officiels qui ne manquent pas dans les agglomérations telles que Negresti-Oas, Baia Mare ou Sighetu Marmatiei. Mais trouver de petits ateliers à la campagne a encore plus de charme. Avec un peu de chance, vous établirez un contact humain avec une famille, qui ne demandera pas mieux que de vous accueillir dans une maison paysanne. Vous toucherez alors la tradition ancestrale, et votre hôte sera fier de vous montrer le trousseau de la mariée et la literie qui sont, bien souvent, un baromètre de la richesse familiale.

Nicolae Popa

Nicolae Popa

Un jour, la police débarqua dans la maison paisible du sculpteur paysan Nicolae Popa, et, sous les yeux de son épouse Elena, l’embarqua brutalement pour l’emprisonner dans l’un des centres carcéraux que Ceausescu avait mis en place dans plusieurs points du pays (Sighet, dans les Maramures, est un exemple de ces centres de détention et se visite aujourd’hui comme mémorial). Il avait été dénoncé comme antisocial par un chef de parti local jaloux, qui voulait s’approprier l’un de ses terrains. Cette dénonciation suffit à un jugement sommaire et lui valut l’emprisonnement assujetti de tortures pendant plusieurs années. L’artiste fut finalement libéré sous des pressions politiques, dont celle de François Mitterrand, qui admirait son oeuvre.

C’est l’un des sujets que Nicolae Popa, l’artiste, présente dans son musée du hameau de Tarpesti au sud de la Bucovine, proche du monastère de Varatec. Mais l’essentiel de la visite du musée est d’y admirer ses sculptures sur bois et sur pierre et, mieux encore, une incroyable collection de masques et de pièces d’art traditionnel, telles des peintures populaires ou des masques ressemblant à ceux du Lötschental.

Au pays des monastères

A l’est des Maramures se trouve la légendaire Bucovine, province jadis incluse dans la Moldavie roumaine. N’ayant pas échappée aux invasions tartares ou cosaques, la Bucovine s’enorgueillit de son patrimoine exceptionnel que sont ses monastères datant du 15e et 16e siècle aux fresques fabuleuses, et d’être parvenue à les préserver. Il en existe environ une soixantaine.

En général, c’est la beauté des fresques extérieures, dont la majorité illustre le jugement dernier, qui caractérise l’un ou l’autre de ces monastères. Je m’étonne de leur état de conservation à chaque fois que je les admire. Mais ne nous y trompons pas, l’érosion de ces oeuvres d’art livrées aux intempéries font la préoccupation permanente des conservateurs. Le monastère que j’affectionne le plus est Humor, pour son côté intimiste et pour sa superbe fresque de la vierge à l’enfant et le portrait d’Etienne le Grand.

Sucevita a pour particularité de s’admirer du haut de la colline au pied de laquelle il est niché. Mais il est aussi remarquable pour sa fresque représentant la création des êtres vivants et, peut-être aussi, pour sa particularité de ne pas représenter l’assaut de Constantinople comme dans beaucoup d’autres monastères.

Putna, enfin, est originale pour ses pierres tombales et, notamment, celle d’Etienne III le Grand. C’est aussi là que l’on côtoie la vie monacale, alors que bien d’autres monastères semblent ne plus être que des musées. Sa particularité est sa structure de forteresse. Putna est un lieu favori de pèlerinages hauts en couleurs.

Texte et photos Gérard Blanc

Infos pratiques

Renseignements

Office du tourisme de Roumanie: 0033140 20 99 33, www.guideroumanie. com.

Vol

Genève-Bucarest avec Baboo

Agence spécialisée

Kira Voyages: 056 200 19 01.

Circulation locale

La meilleure formule reste encore de louer un véhicule à l’arrivée à Bucarest.

Climat

Continental modéré, avec des étés chauds et des hivers froids.

Hôtels-restaurants

Popas Turistic Bucovina; Hôtel-restaurant Perla Maramuresului à Borsa.


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