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JE PARS À LA DÉCOUVERTE

L’Arménie émotionnelle

Petit pays montagneux faisant partie du « Petit Caucase », l’Arménie est riche en émotions et en patrimoine culturel. La valeur ajoutée de la visite de ce pays souvent méconnu, est un contact privilégié avec ses habitants au sens accru de l’hospitalité.
Rares sont les voisins de frontière sur l’épaule desquels l’Arménie peut s’appuyer, si ce n’est éventuellement la Géorgie. La plupart des Arméniens vous diront que leurs meilleurs alliés sont les Russes avec lesquels ils ne partagent pourtant aucune frontière. S’il s’agirait d’une nostalgie datant de leur appartenance à l’Union soviétique, Ils ne souhaiteraient pourtant  pas perdre leur sacro-sainte indépendance. Mieux vaut ne pas parler des autres voisins envers lesquels ils gardent leurs distances à savoir la Turquie (génocide de 1915), l’Azerbaïdjan (différents sur le Nagorno-Karabakh) et l’Iran (divergences religieuses et  ancestrales invasions perses). Les relations avec le voisin géorgien ne semblent pas poser de problème mais l’Arménie se sent un peu isolée.
Erevan, ArménieMais revenons à l’essentiel d’une visite en Arménie, à savoir l’aspect culturel et historico-religieux.  En visitant le musée de l’histoire d’Erevan, on apprend que l’Arménie d’origine (600 ans avant J.C.) était environ dix fois plus grande que celle d’aujourd’hui. Au fil des multiples invasions (dont les Perses et les Turcs) les frontières de l’Arménie ont été drastiquement réduites et bon nombre d’Arméniens se sont expatriés pour créer ce qu’on appelle aujourd’hui la diaspora arménienne. Celle-ci  vient souvent en aide au pays d’origine par différents biais, comme, par exemple, la construction du terminal ultra-moderne de l’aéroport d’Erevan-Zvartnots financé par l’Argentino-Arménien Eduardo Eurnekian .

Le poète de la liberté
A Zangakatun se trouve la maison transformée en un émouvant musée  à la mémoire de Panuyr Sevak, un poète contemporain, qui fut vraisemblablement assassiné à l’âge de 47 ans par le KGB pour son esprit rebelle qui, dans ses poèmes, dénonçait ceux qu’il appelait les « tartuffes » qui avaient meurtri son peuple (les Turcs, les Soviets et les nazis). Très touchants, ses poèmes ont été traduits en français. Il était ami des grands intellectuels arméniens, dont le compositeur Katchaturian.

Les chrétiens des premiers jours
L’église apostolique arménienne est l’une des plus anciennes de l’histoire chrétienne. Puisant ses origines au temps des apôtres Thadée et Barthélémy, qui l’institutionnalisèrent à la suite de la conversion du roi Tiridate par Grégoire l’Illuminateur, elle est peut-être la plus ancienne qui fut étatisée (301 après J.C.). On trouve des références de Saint Grégoire l’Illuminateur dans de nombreux sites religieux du pays.
Les Arméniens sont, en principe, fondamentalement religieux. En tous cas, les églises sont pleines le dimanche et les jours de fêtes, mais des mauvaises langues diront que la jeunesse perdrait un peu de sa dévotion, et que son assiduité à venir à l’église serait une forme d’affirmation d’une identité et de rattachement à la famille, une valeur qui demeure sacrée. L’Arménie offre une quantité impressionnante de monastères et d’églises à visiter. Vous y trouverez parfois des moines ou des prêtres en activité suivant une hiérarchie implacable, régie par un « catholicos » (semblable aux patriarches orthodoxes russes) et siégeant à  Etchmiadzin, proche d’Erevan. Fait curieux : les prêtres de l’église arménienne peuvent se marier et avoir des enfants, mais à condition de ne pas vouloir grader.

Arménie

D’un monastère à l’autre

Bien qu’ils soient tous de structure cruciforme avec un toit conique,  chacun  des monastères arméniens possède sa personnalité propre. Mieux vaut n’en sélectionner que quelques-uns, d’autant que se rendre de l’un à l’autre peut prendre des heures de route en raison  de l’environnement montagneux, des virages en épingle à cheveux ou d’un asphalte par endroits chaotique. Malheureusement, beaucoup de ces sanctuaires religieux subirent les saccages des envahisseurs perses, ou ottomans et seldjoukides venus de Turquie.
Depuis Erevan, la priorité est la visite du centre religieux d’Etchmiadzin, pour sa cathédrale, bien entendu, mais aussi pour la découverte des khatchkars, ces stèles de pierre sculptée rappelant les calvaires bretons ou les croix celtes d’Irlande, avec leur mélange de symboles religieux et païens (la croix chrétienne et le cercle du soleil). Le site est également digne d’intérêt pour l’ambiance qui y règne, avec les allées et venues de séminaristes le téléphone portable à l’oreille, et les chœurs de moines lors de services religieux à la cathédrale (17è s..) Proche de là se trouve également l’église de Sainte–Hripsinie (7ème s.), construite sur le tombeau d’une jeune fille qui refusa la demande en mariage d’un roi.
L’ancienne basilique de Zvartnots (5ème s,), bâtie sur les vestiges du temple hellénistique d’Ourartou, aurait probablement été la plus belle de toutes si elle n’avait subi un tremblement de terre dévastateur au 10ème siècle. Sa constitution originale sur trois étages figure aujourd’hui sur la porte de la Sainte-Chapelle de Paris.
Au sud-est, dans la plaine d’Ararat, le monastère de Khor Virap regarde vers le mont Ararat et la frontière turque. Il est intéressant pour sa situation panoramique au pied du mont Ararat, mais aussi parce que s’y trouve la légendaire fosse où Grégoire 1er  l’Illuminateur, père de l’église arménienne, y aurait été emprisonné pendant 13 ans jusqu’à ce que le roi Tridate, malade implore au saint un miracle pour sa guérison, à la suite de laquelle il décida de convertir son royaume au christianisme.

Arménie

Les khatchkars de Noratous
Proche du lac Sevan se trouve le site de Noratous et son insolite cimetière médiéval où se dressent un nombre impressionnant de ces pierres tombales qu’on appelle khatchkars et qu’on retrouve aussi dans l’enceinte d’Etchmiadzin. Ils auraient été jusqu’au nombre de 800. La légende dit qu’on les aurait habillées d’uniformes et que l’armée des envahisseurs ottomans aurait fait demi-tour, effrayée par la vision de  ces « ennemis » en grand nombre …

Le monastère de Saint Estathius (disciple de l’apôtre Thadée), dit monastère de Tatev, est le plus spectaculaire de tous par sa situation collé à une paroi montagneuse. Son nom vient de ce que les moines se jetaient du haut de la falaise pour échapper aux envahisseurs seldjoukides en criant « Tatev ! » (Seigneur, donne-moi des ailes !).  A noter que Tatev fut et demeure un lieu réputé de de pèlerinages et de séminaires pouvant loger jusqu’à mille personnes à la fois.
Gueghard   (3ème s.) est enfoncé dans un creux de montagne et entouré d’habitations troglodytes.  Il date de la première période de christianisation, et fut construit par St Grégoire l’Illuminateur, qui aurait vécu dans l’une de ses cellules. On y accédait jadis par une échelle de corde.

Arménie

Novarank (11ème s.) est, lui aussi, enfoncé dans la montagne. L’une de ses particularités est l’accès quelque peu périlleux au premier étage de son église St Asivatsatsine (Ste Mère-de-Dieu).  Plus aisé est l’accès à mausolée du sous-sol.Pope arménien
Sevanavank (4ème s.) jouit d’un panorama à 360°. Il trône sur le promontoire de la péninsule avançant sur le lac Sevan. Les chroniqueurs arméniens disent que la princesse et veuve Mariam, fille d’Achote 1er, y dédia sa vie et sa piété et décida de faire construire trente églises à la mémoire de son défunt mari Vasak Gabour.
Saghmosavank (13ème s.) est appelé « le Monastère des Psaumes » en raison des psaumes chantés en polyphonie par les moines. Sa particularité est sa situation en bordure d’une grande faille de style canyon qui représente une  inspiration infinie pour les élèves de l’école d’art d’Erevan.

Douloureux souvenirs
L’évocation du génocide perpétré par la vague « Jeunes-Turcs » en 1915 et 1916 génèrera toujours une profonde émotion bien compréhensible dans le cœur de tout Arménien. Dans les hauts d’Erevan, sur une colline  appelée Tsitsernakaberd  (le fort aux hirondelles), ont été érigées douze stèles de granit représentant les 12 provinces arméniennes aujourd’hui en territoire turc. Au centre de celles-ci, à 1,5 mètre de profondeur, brûle la flamme éternelle. Aux alentours se trouve un parc où des gouvernements du monde entier ont planté des plaques portant les noms des donateurs en témoignage de leur soutien. Parmi elles figure celle de Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération helvétique.Arménie

Erevan
Erevan se prosterne chaque jour devant ce monstre de 5’137 mètres de hauteur qu’est le mont Ararat, et son petit frère, le « petit Ararat », .Au grand dam des Arméniens qui le revendiquent, il se trouve en territoire turc, mais sa majesté peut se voir depuis de nombreux endroits en Arménie. Malheureusement, rares sont les moments où  il soit totalement découvert, les nuages ayant la fâcheuse habitude de cacher son sommet. Pourtant, à potron-minet on peut avoir le grand plaisir de le voir rosir au soleil levant, entièrement dégagé. La légende voulant que l’arche de Noé y ait échoué est contestée. Il y aurait un autre mont Ararat au pied de l’Euphrate qui, lui, serait le bon.
Capitale  de la République d’Arménie depuis 1918, Erevan se trouve dans la plaine d’Ararat et fut longtemps une petite ville parmi tant d’autres sous le régime soviétique. Elle en garde d’ailleurs quelques stigmates. Si le centre-ville héberge des universités, une académie des sciences, des musées, des ministères et des bibliothèques publiques, les faubourgs sont principalement constitués d’immeubles de style brejnévien.
Le centre-ville gravite autour des places de la République et de l’Opéra. Il est formé de larges avenues et de grandes places bordées de construction, elles aussi rappelant l’époque soviétique avec une profusion de fontaines et de statues symboliques dont celle de la Mère Arménie.
Parmi les principaux centres d’intérêt, il faut d’abord visiter le fabuleux musée de Matemadaran devant lequel trône la statue Machlotz, le créateur de l’alphabet arménien. C’est une bonne entrée en matière pour annoncer les quelques 17’000 manuscrits (14’000 arméniens, 3’000 autres) que l’on va  découvrir en parcourant les salles. Ils retracent à peu près toutes les époques de l’histoire  et de la religion en Arménie parmi lesquels on trouve une magnifique représentation de la bataille d’Avaraish.

Textes et photos Gérard Blanc

Infos pratiques

Agence spécialisée

Ce reportage a pu être réalisé grâce à l’agence Aratours Travel Services à Fribourg : tél. +41 (0)26 322 7777.

 

A voir encore

Le site de Garni datant du 3ème s. avant J.C ;, les fortifications et le temple Mithra ; les alignements de menhirs et les tombeaux rupestres du village de Qarahunj datant de 5’500 ans avant J.C. ; le monument “l’Alphabet arménien” à Oshakan, avec les 39 lettres arméniennes sculptées sur la pente est du mont Aragats ; le musée d’histoire d’Erevan ; l’usine de tapis des Megarian Captes (tapis tous faits main),. créée à New York et dont il existe aujourd’hui 20 succursales dans le monde. Elle a en commande un tapis e 100m2 !

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